POURSUITE DU PROCES DEVANT LA COUR FEDERALE DE SCRANTON (Pennsylvanie)

L’administration pénitentiaire prise en flagrant délit de falsification de preuves concernant l’état de santé de Mumia (*)

Après la première journée d’audience du 18 décembre (voir nos précédentes informations), les auditions se sont poursuivies les 22 et 23 décembre.

Le troisième et dernier jour du procès a été le théâtre d’une annonce stupéfiante : l’avocat représentant l’administration pénitentiaire (DOC) a été accusé de falsification de preuves. 

Le dernier témoin de la pénitentiaire, le docteur Paul Noel (médecin chef de la pénitentiaire), a en effet déclaré que la motion déposée par l’avocat de la défense de l’administration, Laura Neal, a été volontairement falsifiée. Il se révèle ainsi que l’avocat de la pénitentiaire a ignoré délibérément les demandes répétées du docteur Noel de ne pas inclure des informations fausses dans la motion.

Répondant au contre interrogatoire de l’avocat principal de Mumia, Robert Boyle, le docteur Noel a ainsi déclaré sous serment que le recours, déposé par l’administration dans cette affaire et portant sa signature, n’était pas authentique, précisant que la signature est authentique mais que ce n’était pas le document qu’il a signé. Rappelons qu’en septembre 2015, c’est cette fausse motion qui a été la preuve essentielle prise en compte par le juge de l’Etat de Pennsylvanie pour rejeter le recours de Mumia.

Il devient alors évident que l’avocat de l’administration a délibérément falsifié les preuves en ajoutant un paragraphe à la motion du docteur Noel. Cet ajout précisait qu’il fallait d’abord procéder à l’évaluation de l’état de santé de Mumia Abu-Jamal pour savoir si celui-ci nécessitait un traitement contre l’hépatite C. Contestant cette version des faits, le docteur Noel déclare alors sous serment qu’il a dit à l’avocat Neal en septembre, puis en décembre, puis avant l’ouverture du procès, que ce paragraphe ajouté était erroné.

L’avocat Neal reconnait que « les faits sont avérés ». Le docteur Noel lui répond « oui, mais ils mènent à une conclusion erronée ». Le juge fédéral interpelle alors l’avocat Neal en ces termes : « cette conclusion va donc porter atteinte à la crédibilité professionnelle de votre propre témoin ».

Autres révélations du médecin chef de l’administration pénitentiaire … 

En réponse aux questions de l’avocat de Mumia, le docteur Noel admet qu’un autre paragraphe du recours est aussi erroné, celui selon lequel le docteur Ramon Gadea (seul spécialiste en maladie infectieuse ayant examiné Mumia) aurait exclu l’hépatite C comme étant la cause des terribles lésions cutanées. « Ceci est faux » déclare-t-il. Au contraire, à la suite de la consultation du 9 septembre, le docteur Gadea avait conclu que dans le cas de Mumia, il pensait que l’hépatite C pouvait être la cause secondaire de l’éruption cutanée et qu’il faudrait traiter Mumia pour l’hépatite C après avoir vérifié qu’il ne souffrait pas de rhumatismes …

Après de longs échanges, le docteur Noel doit reconnaître l’argument de l’avocat de Mumia selon lequel son client présente tous les signes cliniques le qualifiant pour recevoir le traitement approprié. Selon les données médicales connues et rappelées à cette occasion, Mumia aurait 63% de probabilité d’être déjà atteint d’une cirrhose du foie et d’anémie suite à ses lésions cutanées.

En fin de journée, l’avocat de l’administration commet une nouvelle erreur en tentant de faire admettre qu’il existe « un protocole temporaire établi par la prison » pour traiter l’hépatite C, mais il affirme que le docteur Noel aurait souhaité que ce protocole reste secret à moins que les avocats de Mumia et le juge fédéral signent une clause de confidentialité pour le mettre en œuvre. Tous refusent, la défense de Mumia rappelant que Prison Radio a déjà soumis une requête en justice sur le « droit de savoir ».

Le témoignage du docteur Noel révèle également que ce « nouveau protocole » de la pénitentiaire est expérimenté depuis l’automne sur seulement 5 prisonniers alors que des milliers sont atteints du virus de l’hépatite C. Autre précision apportée par le docteur Noel : une vingtaine de prisonniers était traitée en 2013 avec un autre médicament (Interferon) mais depuis 22 mois, en attendant la mise en œuvre du « protocole secret », aucun autre malade n’a été soigné.

Autre complication selon le docteur Noel : pour bénéficier du traitement, il faut que le prisonnier accepte une endoscopie de la gorge et seuls seront traités, ceux qui ont « des vaisseaux prêts à exploser dans la gorge ». In fine, selon le protocole médical de la prison, seuls pourraient être soignés les prisonniers suffisamment malades et présentant des « varices de l’œsophage » montrant qu’ils souffrent de cirrhose … Donc uniquement ceux déjà « condamnés à mourir » selon l’expression du médecin !

Les minutes du jugement de la Cour Fédérale seront disponibles dans trois semaines et les recours devront être déposés sous six semaines.

(*) compte rendu d’audiences selon les informations recueillies auprès de Prison Radio, les soutiens et les avocats de Mumia.

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