LA PEINE DE MORT AUX ETATS-UNIS
Nous portons à votre connaissance l’état des lieux publié par l’association française ENSEMBLE CONTRE LA PEINE DE MORT à partir d’études réalisées par Death Penalty Information Center et Amnesty International. Un sujet totalement absent des débats de la campagne pour l’élection présidentielle américaine.
Les exécutions sont certes en déclin aux États-Unis, mais le recours à la peine capitale continue de séduire une bonne partie des Américains. Pour l’ensemble des États-Unis, l’appui à la peine de mort est passé de 80 % en 1994 à 53 % en 2023, selon les plus récents sondages de la firme Gallup.
Même si elle reste une peine possible dans 27 États, 6 d’entre eux ont décidé d’y mettre officiellement une pause. Dans les faits, une petite minorité d’États l’applique réellement.
Le nombre de condamnations à mort est passé de 166 en 2022 à 24 en 2023. Mais plus de 2200 personnes étaient toujours dans le couloir de la mort à la fin de l’année 2023 – plus du quart se trouvait en Californie où le gouverneur a institué un moratoire en 2019. Pour 2024, à ce jour 23 condamnés ont été exécutés et 5 exécutions sont encore programmées.
Si plusieurs démocrates déplorent que Joe Biden n’ait pas tenu sa promesse d’abolir cette sanction pour les crimes fédéraux admissibles, des conservateurs poussent une possible administration Trump à mettre les bouchées doubles pour exécuter ces condamnés en cas d’élection.
Le climat politique aux USA a des conséquences évidentes sur l’évolution de la peine de mort dans le pays. Si les chiffres confirment la tendance à la baisse des dernières années quant au nombre de condamnations à mort et d’exécutions, ceux-ci révèlent qu’en 2023, , et pour la première fois depuis 1976, il y a eu plus d’exécutions (23 hommes et 1 femme) que de condamnations à mort (21). Il s’agit de la 9e année consécutive pendant laquelle les USA ont exécuté moins de 30 personnes. La Floride et le Texas sont responsables de 58% des exécutions en 2023. Des 58 mandats d’exécution actifs en 2023, 48% ont abouti, les 52% restant ont bénéficié de sursis. La durée d’incarcération des condamnations est en forte hausse, 54% de ces condamnés sont dans le couloir de la mort depuis plus de 20 ans. Six des vingt-quatre condamnés exécutés en 2023 étaient dans le couloir de la mort depuis plus de trente ans.
Un nombre important de dossiers d’innocence ont été très médiatisés mais n’ont pas obtenu de cassation ou de révisions de procès. En 2023, trois condamnés à mort ont été innocentés et libérés, soit un total de 195 condamnés à mort innocentés depuis 1973.
L’état de Floride a réinstauré la peine de mort pour les violeurs d’enfant, contrevenant à une jurisprudence de la Cour suprême datant de 2008. Le même état a, par ailleurs, fait un grand pas en arrière en abolissant l’unanimité des jurés requise pour une sentence de mort, celle-ci ne requiert désormais que 8 voix pour et non 12 voix. Ces deux nouvelles lois vont, sans aucun doute, mener à une augmentation des condamnations à mort à venir.
Toutefois, 50% des Américains estiment que la peine de mort n’est pas requise et/ou appliquée de façon équitable. Le président Biden n’a pas aboli la peine de mort fédérale comme il l’avait promis lors de sa campagne pour l’élection présidentielle en 2020, son ministre de la justice a instauré un moratoire sur les exécutions fédérales. Cette même juridiction a requis et obtenu une condamnation à mort l’an dernier.
L’état d’Arizona a suspendu les exécutions à l’arrivée de la Gouverneure Hobbs et le Gouverneur Shapiro en Pennsylvanie a confirmé le moratoire prononcé par son prédécesseur.
Trois états ont mis on vote un texte de loi visant à interdire la peine de mort pour les handicapés mentaux, l’Arizona, l’Arkansas et le Texas. Pour ces deux premiers états, la proposition de loi a été rejetée, au Texas, la Chambre des représentants a approuvé cette loi qui, pour le moment, reste bloquée en commission sénatoriale et n’a pas encore été soumise au vote du Sénat.
Douze états ainsi que le Congrès ont présentés des lois pour l’abolition, tentatives vaines en Ohio et en Louisiane, les autres juridictions étudient cette question attentivement sans pour autant avoir obtenu de résultats concrets en ce début d’année 2024. L’état de l’Iowa tente de réinstaurer la peine de mort, après l’avoir abolie en 1965, pour les meurtres de policiers et l’État du Tennessee pour les violeurs d’enfant. La Virginie Orientale souhaite également réinstaurer la peine de mort après l’avoir abolie en 1965.
Deux problématiques inquiétantes se profilent
D’une part les méthodes d’exécution qui prennent une tournure consternante avec l’exécution de Kenneth Smith en Alabama utilisant l’asphyxie à l’azote, une méthode que les vétérinaires rejettent pour l’euthanasie des animaux et qui n’avait jamais été utilisée sur des êtres humains avant le 25 janvier 2024, une mise à mort qui a duré plus de vingt-deux minutes. La Cour suprême des États-Unis n’a pas accordé de sursis (à six voix contre trois) pourtant justifiable par l’application du 8e amendement de la constitution qui interdit les traitements cruels, inhumains et dégradants. Depuis les états du Nebraska et de l’Ohio envisagent d’adopter ce mode d’exécution, d’autres états semblent s’y intéresser faute de pouvoir se procurer les drogues nécessaires à l’injection létale.
D’autre part, l’incertitude politique règne quant à l’issue des prochaines élections : si les démocrates perdent la Maison Blanche, le retour de Donald Trump entraînerait très probablement la reprise des exécutions fédérales.
Il y a aujourd’hui encore 2 331 condamnés à mort aux États-Unis !
Quelles sont les positions de Donald Trump et de Kamala Harris sur la question ?
> Donald Trump n’a jamais caché son soutien à la peine de mort, qu’il souhaite voir appliquée à un plus grand nombre de crimes. Lors de son passage à la Maison-Blanche, les protocoles ont été modifiés pour faciliter les exécutions pour les condamnés à mort de crimes fédéraux. Un groupe de conservateurs républicains a publié un «plan de transition» en cas de victoire de Donald Trump, précisant qu’en cas d’élection, l’administration devra tout faire en son pouvoir pour exécuter les 44 prisonniers fédéraux actuellement dans le couloir de la mort.
> Kamala Harris est demeurée totalement silencieuse sur le sujet durant toute la campagne et la question ne figure même pas dans son programme électoral. Lors d’un discours d’investiture prononcé en 2004 après son élection au poste de procureur de San Francisco, elle s’était engagée à « ne jamais requérir la peine de mort ». Elle a présenté son choix comme une décision morale. Depuis son positionnement sur la peine de mort n’a fait que fluctuer en fonction des circonstances auxquelles elle a été confrontée en tant qu’élue.